Conférence de Hervé de Saint-Affrique, le jeudi 16 février 2012 au Centre Hâ 32
La demande du bonheur, une demande d’amour, une demande de désir
Une demande motive-t-elle le contact avec un psy-« quelque chose » et quelle demande ? Hervé de Saint-Affrique, psychiatre et psychanalyste, en est convaincu.
Il
s’attarde peu sur l’approche psychiatrique de la question dont il
dénonce les méfaits des prescriptions médicamenteuses outrancières et
son asservissement à la logique des marchés des laboratoires
pharmaceutiques et des investisseurs. L’enjeu économique est
considérable : en dehors de « la pilule du bonheur, point de salut », mais elle ne répond pas à la demande de bonheur.
D’ailleurs est-elle réelle, cette demande de bonheur ?
En
psychanalyse, une demande implique que quelqu’un s’adresse à quelqu’un
d’autre. D’où la fonction suprême de la parole et du langage (Lacan,
1953). Le langage, préalable à la venue au monde d’un enfant, est
l’axiome de la psychanalyse lacanienne. L’enfant est positionné entre le
« grand Autre », le lieu du langage et du « petit autre »,
ses semblables. Dans sa relation primordiale à ses parents, l’enfant
incorpore à son insu les équivoques du langage du « petit autre ».
Deux conséquences : la première, l’enfant prend position et des marques
indélébiles constituent un assujettissement de son inconscient à ce qui
l’aura marqué. L’inconscient procède du langage. La deuxième
conséquence est que tous les besoins de l’enfant vont être dénaturés. En
passant par le langage, nous perdons une partie de notre vie.
La
demande s’inscrivant dans le langage, elle est le « fléau » (Hervé De
Saint-Affrique) de la condition humaine, parce que, de fait, il n’y a
jamais véritablement communication. Le malentendu est la règle.
L’émetteur ne sait ce qu’il a dit que lorsqu’il y a accusé de réception
par le récepteur. Pour résoudre ce malentendu, on fait appel au « grand Autre »
qui est la langue commune. Il existe donc un intervalle entre ce qui
est dit et ce qui est entendu. Dans cet intervalle, Lacan loge « le
désir » du point de vue de la structure du langage ou ce qui échappe
dans une demande, autrement dit, l’inconscient. C’est incompatible avec
la parole et pourtant, c’est ce qui fait qu’on parle. Le désir est alors
insatiable.
Pour
cette raison, le psychanalyste (freudien ou lacanien) laisse parler ses
sujets. Par expérience clinique, le sujet systématiquement évoque
quelque chose qui cloche dans ses relations à un « petit autre ». Cette « clocherie » entre êtres sexués est la cause de symptômes et à l’origine d’une demande d’amour.
Et
plus qu’une demande de bonheur (personne ne sait ce qu’est le bonheur,
Hervé de Saint-Affrique), le sujet attend du psychanalyste une réponse à
sa demande d’amour, de désir (inconscient). Dans l’impossibilité d’en
donner une, la psychanalyse permet plutôt au sujet de trouver des clés
pour mieux vivre dans son rapport avec son propre désir.SL
Article publié dans le journal de l'ERbdx, en mars 2012
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