mardi 17 juillet 2012

Apéro Théo



 "L' Impossible prière" de Jacques Ellul




Le vendredi 4 mai 2012 a eu lieu, au Hâ 32, le deuxième Apéro-théo. Après « La Subversion du christianisme » (1) de Jacques Ellul, c’est son ouvrage « L’Impossible prière » (2) qui était à l’étude critique d’une assemblée fort curieuse et passionnée par des échanges, animés par le pasteur Nicolas Cochand.
Dans cette œuvre critique, Jacques Ellul confronte la prière chrétienne aux défis posés par notre époque, l’examine du point de vue de l’homme contemporain: « …L’homme de notre temps ne sait pas prier, mais beaucoup plus il n’en a ni l’envie ni le besoin, il ne trouve pas en lui la source profonde de la prière… » (3).
La prière est indéfinissable, dans sa forme comme dans ses objectifs. Elle soulève diverses problématiques sans doute dues en partie, aux malentendus qui lui sont liés. Car les fondements de la prière, si toutefois nous les cernons, restent fragiles. Et c’est sans doute cela qui explique qu’il est bien difficile de prier.
Qu’est ce qui fait que l’homme prie ? Selon J.Ellul l’homme a toujours prié ; c’est inscrit dans sa nature. Il a un impératif de prière même si ce n’est pas démontrable. « …Si la prière est fondée dans la nature de l’homme, celui-ci a fabriqué le partenaire de sa prière à partir de sa propre nature. Autant dire qu’elle est une parole sans objet et sans contenu… » (4). En d’autres termes, le partenaire est un partenaire fabriqué par l’homme. C’est de l’ordre de la projection en dehors de nous-même mais de quelque chose qui est nous. Et c’est ce qui explique le déclin de la prière dans notre société moderne. Alors certes, l’homme moderne prie mais ce sont de fausses prières. Par elles, il sacralise des choses qu’il refuse de reconnaître à Dieu. Ce partenaire est un substitut de Dieu.
Alors que justement, pour J.Ellul, la prière est possible car Dieu est proche de l’homme, il va à sa rencontre. Elle est objet de relation entre soi et Dieu. C’est pourquoi un préalable de foi s’impose : la prière ne doit pas être « un moyen d’infléchir Dieu mais de lui livrer notre parole » car le commandement du Christ se suffit à lui seul (5), et est une raison valable de prière. Mais aujourd’hui, la parole est dévalorisée. Pour l’homme moderne, la prière répond à un critère de résultat, d’efficacité. Elle est donc vouée à l’échec.
La situation de la prière est difficile car la foi ne va pas de soi. Alors que pour Jacques Ellul, cette obéissance à la foi est source de liberté.

 SL

(1) ELLUL, Jacques. « La subversion du christianisme ». Paris, La Table ronde, 10 novembre 2001. (La petite vermillon, 145).
ISBN : 978-2-7103-2444-7

(2) ELLUL, Jacques. « L’Impossible prière ». Paris, Le Centurion, 4 avril 1977.
ISBN 978-2-2273-3507-3

(3) « L’Impossible prière », p.641
(4) « L’Impossible prière », p.666
(5) Matt. 26 : 41 ; Marc 13 : 33 ; 14 : 38 ; Luc 21 : 36

lundi 2 juillet 2012

Les aléas d'un urbanisme du bonheur au XXème siècle: les cités jardins


Voilà un mois déjà, s’est déroulée la dernière conférence du Centre Hâ 32, sur le cycle du bonheur.
Le pari était audacieux car définir le bonheur est bien périlleux en ces temps d’égoïsme et d’insatisfaction perpétuelle, souvent teintés d’incompréhensions parce que la parole ne lie plus les uns et les autres, les uns aux autres. Parce que l’engagement se fait de plus en plus rare. Manque de profondeur et de cohérence marquant souvent le passage de la parole à l’acte.
Définition assez subjective que celle du bonheur, alors ? Oui, sans doute. Pourtant, nous avons vu qu’il existe bien. Il suffit d’y croire et de s’en donner les moyens.
C’est ce que nous avons évoqué une dernière fois, le 24 mai 2012 avec Ginette Baty-Tornikian, maître-assistante à l’ENSA (Ecole Nationale Supérieure d’Architecture) et chercheur à l’IPRAUS (Institut Parisien de Recherche : Architecture, Urbanistique, Société) : le mariage de la construction et de la nature, de la nature et de la culture pour le plus grand bonheur des gens. La cité-jardin mêle logements sociaux individuels et collectifs, équipements collectifs entourés de jardins et classes sociales.
Ebenezer Howard a eu l’idée du nom de « cités - jardins ». Dès le départ, bien plus qu’un nom, c’est un projet qui s’inscrit dans le cadre d’une expérimentation pour tenter des choses qui n’existent pas avant. L’Exposition Universelle de 1900 va véhiculer cette idée, au Pavillon de la Solidarité où patrons, syndicats-ouvriers, coopératives et associations se rencontrent. Des relations fortes se tissent alors entre intellectuels, patrons et hommes politiques.
Le début de l’aventure s’amorce avec l’Ecossais Patrick Geddes. Il est convaincu que les processus sociaux et les formes qu’ils prennent dans l’espace, sont liés. En changeant les formes spatiales, il devient possible de changer la structure sociale. Pensée novatrice en matière d’urbanisme, il est l’initiateur d’un mouvement : l’urbanisme social.
A Bordeaux, Charles Gide, professeur d’économie sociale et protestant, sera un grand producteur d’informations sur les cités - jardins, après une rencontre enthousiaste avec Geddes.
En ce XIXème siècle finissant et l’industrialisation qui a bouleversé les conditions de vie, pour les intellectuels, la recherche d’une paix sociale est prégnante alors que les politiques sont loin de cette idée.
Les gens doivent être autonomes en dehors de leur journée de travail. C’est l’avènement des deux temps séparés : le lieu de travail doit être différent du territoire habité. C’est l’abandon de la gestion du temps du travailleur par l’entreprise, la fin de la cité patronale.
Pour Howard, c’est la condition de la paix sociale. Cette idée fascine et au Royaume-Uni, elle va être soutenue par le patronat.
Par la cité-jardin, on veut une réforme sociale pacifique, porteuse d’égalité et de responsabilité de chacun, dans sa gestion de la vie collective. Avec l’idée d’une ville où n’existent plus les inégalités. Il s’agit d’aménager l’espace urbain de sorte que les villes soient séparée les unes des autres, qu’elles aient ainsi chacune leur propre identité et loin des industries polluantes; c’est déjà, de la démocratie participative.
Howard montre que les gens sont tous liés les uns aux autres. Il faut donc construire des routes pour qu’ils se connaissent mieux et qu’ils soient solidaires.

Schéma simplifié de la conception de l’organisation de
cités-jardins autonomes selon Ebenezer Howard,
reliées par des moyens de communication,
Autour les espaces collectifs  (©Sylvie Lacoste 2012)
Dans les cités - jardins, les différentes fonctions sont séparées.
En France, le mouvement de construction des cités - jardins se développe durant l’Entre-deux-guerres, avec l’Office public HBM (Habitation à bon marché). Pour décongestionner Paris, une quinzaine cités - jardins sont élevées. Une dizaine subsiste, aujourd’hui : Suresnes, Gennevilliers, Châtenay-Malabry pour ne citer qu’elles.
Près de Bordeaux, à Pessac, ce sera la cité Frugès de Le Corbusier.
Et en 2012 ? Les cités - jardins restent une référence en matière d’urbanisme, inscrite désormais dans le cadre du développement durable dont on dit qu’il doit assurer le bonheur des générations futures.
Je vous souhaite à toutes et à tous un bel été, rempli de bonheurs !


SL