Une approche politique de l'Eau
Dans le cadre du cycle 2012/2013 sur l’Eau, au Hâ 32, Pierre-Frédéric Ténière-Buchot, nous a proposé une approche politique de l’Eau. Si l’exposé a été une fois de plus remarquable, la politique de l’eau est loin d’être claire comme de l’eau de roche !
Avoir une approche politique de l’eau,
c’est essayer de comprendre comment s’organise et se conduit la gestion de
cette ressource naturelle, à la fois sur son grand cycle (le mouvement naturel
de l’eau) et
sur son petit cycle (son traitement pour la rendre potable).
Pierre-Frédéric Ténière-Buchot,
aujourd’hui, vice-président du Programme Solidarité Eau (initié par Stéphane Hessel)
et membre de l’Académie de l’Eau, est tombé dans l’eau un peu par hasard et
disons que le hasard fait parfois bien les choses.
Ingénieur dans l’aérospatiale et
gageant sur l’échec commercial du Concorde, sa mise à l’écart le conduit à la
fin des années 60, à découvrir le monde de l’eau à une période de croissance
(Trente Glorieuses). A cette époque, c’est la naissance des Agences financières
de bassins, au nombre de 6 (aujourd’hui Agences de l’Eau). C’est une révolution
dans la gouvernance de cette ressource naturelle, l’idée étant de porter sur la
place publique les problématiques liées à la politique de l’eau (« Livre
Blanc » de la DATAR, 1970).
Mais il s’agit bien là d’une véritable
gageure au regard de l’opacité de la politique de l’eau, en 2012. Si tant est
qu’elle fût, un jour, transparente !
D’ailleurs, il semblerait qu’il y ait,
non pas une, mais plusieurs politiques de l’eau ou plutôt différents
aspects :
- l’aspect financier, important et
ambigu qui mêle fonds privés/fonds publics,
- le nexus ou nœud gordien, un
enchaînement complexe entre énergie-eau-alimentation qui veut que pas d’eau-pas
d’énergie etc…
- l’aspect « réseaux » ou
relationnel pour l’obtention des marchés
- et enfin, l’aspect médiatique
« pour plaire ».
Plusieurs constats s’imposent à nous
et malgré nous et bien souvent, ils sont navrants.
La question de l’eau (et plus
largement, celle de l’environnement) est une préoccupation des gens
riches !
La politique de l’eau du grand cycle
n’intéresse que très peu et de fait, les investissements de quelque nature
qu’ils soient, sont bien faibles.
Le petit cycle de l’eau ou « des
tuyaux » occupe bien plus ! Et pour cause… Il est bien plus
rentable ! Un exemple, celui du marché des eaux minérales en bouteilles
qui ne sont rien d’autre que des tuyaux (dixit notre conférencier !). Car
la ou les politiques de l’eau sont une affaire comptable dont les principes de
base sont les négociations et les compromis entre l’Etat (en France, il est
représenté à hauteur de 20% dans les Agences de l’Eau à travers les différents
ministères concernés), les collectivités locales, les Veolia, Suez (Lyonnaise des
Eaux) et Saur, et les associations. Par conséquent, l’Etat n’est pas repré-sentatif
du domaine public. De fait, le marché de l’Eau en France (si, si c’est un
véritable marché !) manque de transparence. C’est vrai aussi
ailleurs, où la gestion rencontre les mêmes difficultés avec la corruption
en plus ! La politique de l’eau est une politique pour se faire
élire ! C’est le constat, fondé sur sa riche expérience, que fait
Pierre-Frédéric Ténière-Buchot. Avant une élection, les promesses nombreuses ne
sont jamais tenues après. Pour cette raison, les associations qui généralement
connaissent peu ou mal les problèmes liés au traitement de l’eau, posent les
questions qui dérangent et de fait, sont indispensables si nous voulons un peu
plus de clarté et d’influence sur cette gestion, dominée par les trois
mastodontes cités plus haut.
Mais que fait la loi ? Au niveau
national, c’est le Parlement qui légifère (lois 1964, 1992, 2006). Seulement
pour que la loi soit appliquée, il faut que les décrets d’application soient
pris, ce qui en la matière est rarement le cas. In fine, ce sont les corps
intermédiaires (cf plus haut) qui font la politique. Tout repose donc sur le
compromis car les pratiques priment sur les lois.
Au niveau international, c’est la
Banque Mondiale qui est depuis de nombreuses années déjà, plus mondiale que
banque (dixit notre conférencier). Elle est surtout un gros bureau d’études et
a de moins en moins d’argent pour les pays pauvres. En réalité, il n’existe pas
de législation internationale : chacun croit que l’eau lui appartient et
aucune déclaration onusienne n’a encore atteint le nombre de voix nécessaires
pour être appliquées. Et là aussi, les fonds privés sont puissants et de toute
évidence une grande opacité domine.
Pierre-Frédéric Ténière-Buchot ne
remet pas en cause ces systèmes. Il insiste sur l’importance des associations,
au moins au plan national, qui par leur participation, peuvent discuter,
négocier, influencer des décisions ; certes elles court-circuitent les
canaux officiels mais sans jamais être hors la loi, elles peuvent et doivent
prendre part activement aux compromis.
La route vers une politique de l’eau
limpide et transparente semble être longue. Derrière, il y a des hommes ici et
ailleurs. Il s’agit de les écouter, de voir comment les écouter, comment mettre
tout le monde d’accord. Il s’agit de trouver un équilibre et en cela le
compromis semble être un outil incontournable, essentiel.SL
Article publié dans "EPT", journal de l'ERBdx, décembre 2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire